Le premier article publié dans la base de données médicale PubMed contenant le terme fascia remonte à 1814. Il y était déjà écrit que les fascias séparent les muscles et aident au mouvement (Mackesy 1814). Cette approche est toujours valable aujourd’hui, même si d'innombrables études sur les fascias se sont ajoutées. Avec l'acquisition de nouvelles connaissances, les fascias sont aujourd’hui beaucoup mieux compris et la définition des fascias a changé plusieurs fois. Ceci vaut surtout pour les quatre dernières décennies. Les recherches sur les fascias étant de plus en plus nombreuses, la description des fascias ne cesse d’évoluer. (Adstrum und Nicholson 2019)
Dans une récente mise à jour de la nomenclature fasciale, la définition des fascias a été quelque peu raccourcie et une traduction libre proposée : « Sous le nom de fascia on désigne tout tissu qui peut répondre à des stimuli mécaniques. Le continuum fascial tridimensionnel résulte d'une synergie parfaite entre différents tissus et toutes leurs substances solides et liquides qui traversent, divisent, relient et nourrissent l’ensemble du corps – de la couche superficielle de la peau jusqu'à l'os. Il inclut, par exemple, des gaines musculaires et nerveuses, des capsules articulaires, des ligaments, des tendons, mais aussi des vaisseaux sanguins et lymphatiques avec les fluides qui circulent à l’intérieur » (Bordoni und Myers 2020; Bordoni et al. 2019; Bordoni et al. 2018).
Des recherches approfondies sur les fascias sont menées depuis plus de trois décennies. Nous vous donnons ici un aperçu des principales connaissances scientifiques et études sur les fascias.
Les fascias se composent de trois couches différentes : superficielle, profonde et pariétale/viscérale (Gatt et al. 2020).
La couche superficielle contient de nombreuses fibres élastiques qui la rendent assez mobile. La couche profonde, riche en fibres collagènes, est, en revanche, beaucoup plus rigide et présente une tension permanente. Elle est, par exemple, chargée de transmettre les forces générées par les muscles dans les zones voisines. Dans ces régions, les propriocepteurs, dont les informations sont importantes pour la perception et le mouvement du corps, sont, entre autres, stimulés (Klingler et al. 2014).
Le rôle exclusivement passif joué par les fascias dans la transmission de la force a été clairement réfuté par plusieurs études ces dernières années. Les fascias contiennent, en effet, des éléments contractiles, appelés myofibroblastes, qui participent au développement de la force et sont capables de le moduler.
Ils contribuent, en outre, à un certain réglage mécanosensoriel, grâce auquel des informations provenant du corps sont traitées de manière plus sensible. Contrairement aux muscles, les fascias se contractent de manière autonome (comme le muscle cardiaque, par exemple). Cela signifie que la contraction n'est pas soumise à l'arbitraire.
Grâce à leur capacité de contraction, les fascias peuvent réguler spontanément leur raideur et ainsi participer activement à la stabilisation des articulations et aux mouvements dynamiques sur une période de quelques minutes à plusieurs heures. En cas de dysfonctionnement de ce mécanisme de régulation, la tension myofasciale augmente ou diminue et/ou la coordination neuromusculaire se trouve altérée. Les deux peuvent contribuer au développement de diverses douleurs musculo-squelettiques et syndromes douloureux. On pense qu'une augmentation de la tension sur plusieurs jours ou mois peut même entraîner de graves contractures des tissus (Schleip und Klingler 2019; Klingler et al. 2014).
La compréhension et l'explication du fonctionnement du rôle des fascias dans le corps humain ont également évolué au fil des ans. Dans la science actuelle des fascias, trois modèles sont discutés : le biotensegretive model, le fascintegretive model et le modèle des chaînes myofasciales (Bordoni et al. 2019; Bordoni et al. 2018).
Le modèle de biotenségrité a été marqué par le modèle de tenségrité. La tenségrité désigne un équilibre de tension mécanique au sein d'une construction et provient à l'origine de l'architecture (Illustrations 1 et 2). Il a ensuite donné naissance au modèle de biotenségrité, qui permet d’appliquer à un corps vivant le modèle de tenségrité relatif à l’équilibre de tension mécanique au sein d’une construction (Illustration 3). Ce modèle est utilisé pour expliquer la capacité d’adaptation constante du corps avec toutes ses structures, sans affecter leurs formes ni leurs fonctions. Ces modèles mécaniques ne tiennent toutefois pas compte des fluides corporels, qui contribuent également à la tension mécanique et déterminent ainsi la forme et la fonction du corps.
Le modèle de fascintégrité a été développé pour inclure les fluides corporels en plus des composants solides des tissus, considérés dans le modèle de biotenségrité. Il s'agit notamment du sang et de la lymphe, mais aussi des fluides à l'intérieur et à l'extérieur des cellules. Ce dernier modèle reflète davantage les connaissances actuelles sur le continuum fascial. Il ne prend toutefois pas en compte le niveau émotionnel et de douleur, qui peuvent aussi affecter fortement le corps et le système fascial. À l’avenir, d'autres modèles explicatifs émergeront ainsi sans doute de la recherche sur les fascias.
Par chaînes myofasciales on entend les chaînes musculaires et les fascias qui traversent tout le corps et peuvent transférer les tensions d'une zone du corps à d'autres zones, proches ou éloignées.
Bien que des études aient montré que les muscles sont interconnectés et qu'une transmission de force se produit entre eux, l'existence des chaînes myofasciales souvent décrites n'a été que partiellement prouvée scientifiquement. En particulier, leur pertinence fonctionnelle n'est pas encore totalement comprise. Il est pourtant établi que des dysfonctionnements myofasciaux peuvent favoriser le développement de douleurs musculo-squelettiques et que leur traitement peut permettre d’y remédier (Ajimsha et al. 2020; Wilke und Krause 2019; Krause et al. 2016; Wilke et al. 2016).
Tous les modèles décrits représentent le corps humain comme un continuum fascial. Ils sont employés pour expliquer ce dernier. À ce jour, ils ne peuvent toutefois être considérés que comme des modèles théoriques, ces les preuves scientifiques sur l’humain vivant font souvent défaut sur bien des plans. D’autres recherches sur les fascias sont nécessaires pour comprendre parfaitement la complexité du système fascial et son fonctionnement (Bordoni et al. 2019).
Les fascias peuvent être à l’origine de douleurs. Cela a, par exemple, été montré avec le grand fascia de la région du dos (fascia thoracolumbalis). Cette dernière contient de nombreuses terminaisons nerveuses libres des nocicepteurs qui peuvent être irritées par des micro-lésions ou une inflammation, ce qui peut ensuite provoquer une perception de douleur dans le cerveau (Wilke et al. 2017). Ces connaissances peuvent être transposées aux douleurs musculaires ou à la déchirure musculaire. Les douleurs musculaires correspondent à de petites déchirures dans le fascia musculaire (Gibson et al. 2009) et la déchirure musculaire est généralement une lésion myofasciale ou myotendineuse (Wilke et al. 2019).
Les terminaisons nerveuses mentionnées peuvent toutefois être aussi irritées par un fascia pathologiquement modifié. Un tel fascia est souvent plus épais et présente une rigidité accrue ainsi qu'une capacité de glissement réduite. La cause en est une fibrose et une adhérence à l’intérieur des couches des fascias, qui peut être provoquée par un changement de posture durable et des altérations des schémas de mouvement physiologiques (Langevin et al. 2009; Klingler et al. 2014; Pavan et al. 2014).
Cela n’a été démontré que récemment chez des sujets souffrant de douleurs dorsales non spécifiques (Almeida et al. 2020). L'altération de leur grand fascia dorsal a également entraîné une limitation de la mobilité de la colonne vertébrale, comme on le constate chez de nombreuses personnes souffrant de problèmes de dos. La flexion et la rotation étaient les plus affectées.
Que faire pour y remédier?
Un entraînement des fascias, comme plusieurs études l’ont depuis montré. Des études sur l'utilisation du rouleau de massage ont le plus souvent été publiées avec le résultat suivant : le Foam Rolling modifie les propriétés d'écoulement des fluides dans les fascias, améliore la circulation sanguine et la capacité d’absorption d'eau des fascias. Cela modifie la rigidité et la capacité de glissement des fascias. L’entraînement des fascias avec le rouleau de massage permet également de diminuer la douleur et d’améliorer la mobilité. Bien que les raisons de ce phénomène n'aient pas encore été entièrement élucidées, il est probable que le Foam Rolling active des mécanorécepteurs dans la peau et les fascias, qui activent à leur tour un mécanisme d'inhibition de la douleur central et régulent l'activité des systèmes nerveux sympathique et parasympathique (système nerveux autonome), tout en influençant la tension myofasciale par une réponse réflexe. L'hypothèse fréquente selon laquelle le Foam Rolling permet surtout de détacher les fascias collés n'a cependant pas été prouvée à ce jour (Guzmán-Pavón et al. 2020; Rodríguez-Fuentes et al. 2020; Behm und Wilke 2019; Wilke et al. 2018).
Même si on en sait maintenant beaucoup sur les fascias grâce à la recherche sur les fascias de ces dernières années, il y a au moins autant de choses, voire plus, que l’on ne sait pas encore. On peut toutefois relier de plus en plus les connaissances actuelles et il est certain que l’on comprend de mieux en mieux les fascias et l’effet de l’entraînement des fascias. Il serait passionnant de jeter un œil dans la boule de cristal. La science des fascias va sans en aucun doute continuer à évoluer.